L’arbre contribue au bien-être des citadins

Au-delà de la dimension environnementale et climatique (protection de la biodiversité, lutte contre les îlots de chaleur et la pollution), la plantation d’arbres en ville répond à des enjeux sociaux, sanitaires et esthétiques. Un nombre croissant d’études scientifiques constate ainsi l’influence des arbres sur le bien-être des citadins. Rencontre avec Frédéric Ségur, ancien responsable du service “Arbres et paysages” du Grand Lyon qui a instauré une charte de l’arbre en ville.

L’arbre en ville, une longue histoire

Pour comprendre l’enjeu de l’arbre en ville, il faut remonter au moins au XIX^e siècle. Sous le Second Empire, les politiques très volontaires de renaturation des villes justifiaient déjà les dépenses en aménagement – plantation de végétaux, aménagement de parcs, de jardins et de squares à Paris – par les “services rendus par l’arbre”. “L’argumentaire du service des “Promenades de Paris” est toujours d’actualité, remarque Frédéric Ségur. Bien-être et santé, qualité de l’air, ombrage et rafraîchissement restent les enjeux majeurs de résilience urbaine !” Le terme de “promenades” est lui-même évocateur du rôle dévolu à l’arbre : les flâneries parisiennes étaient perçues comme un loisir donnant lieu aux rencontres. À la fin des années 1980, la critique de l’urbanisme fonctionnel, centré sur la voiture pendant les Trente Glorieuses, et qui avait conduit à abattre des arbres – notamment pour aménager des espaces de stationnement – avait suscité une forte mobilisation des habitants des villes. “Dans des espaces devenus bruyants, pollués, accidentogènes, la question de l’arbre en ville était devenue une question sociétale : comment rendre la ville habitable ?”, précise Frédéric Ségur. Le climat et l’environnement, désormais arguments phares des politiques urbaines de renaturation, sont donc venus se greffer a posteriori à des demandes relatives au “cadre de vie” et au bien-être des habitants.

L’impact de l’arbre sur la santé physique et mentale des citadins

Ces vieilles intuitions sont désormais vérifiables, et vérifiées. Nombre d’études mettent au jour une série d’impacts physiologiques et psychologiques de la présence d’arbres en ville. En France, Plante & Cité a récemment publié une thèse sur l’impact des espaces de nature en ville sur la santé physique, mentale et sociale des habitants. Les parcours arborés, plus frais, stimulent l’activité physique (piétons, cyclistes). Une balade en forêt régule le rythme cardiaque, réduit la tension artérielle et la sécrétion de cortisol (hormone de stress). “À l’inverse, le stress favorise l’apparition de maladies cardio-vasculaires et augmente le risque de cancer. L’arbre a donc un impact, même indirect, sur les fonctions vitales“, souligne Frédéric Ségur.

L’imaginaire des enfants stimulé grâce aux arbres

Dans certains hôpitaux, des “jardins thérapeutiques” sont mis à disposition de malades atteints d’affections psychiatriques ou touchés par la maladie d’Alzheimer pour leur influence bénéfique sur le psychisme. “Pour ces derniers, la mémorisation de gestes de jardinage produit souvent des résultats aussi satisfaisants que des traitements médicamenteux”, poursuit-il. Aux États-Unis, enfin, une étude révèle l’influence des arbres sur les résultats scolaires. Les cours arborées auraient un impact sur la concentration et le développement de l’imaginaire des enfants. En revanche, des arbres mal plantés peuvent entraîner des effets négatifs sur le bien-être. Les plantations monospécifiques favorisent la production de pollens allergisants. Pour éviter que les arbres fleurissent tous au même moment, faire varier les essences d’arbres est nécessaire.

L’arbre en ville, objet d’attache sensible

Sur fond d’infrastructures urbaines essentiellement minérales, la végétation fait office de repère, à la fois spatial et temporel. “Se repérer dans un territoire permet d’y habiter, c’est-à-dire d’y créer des habitudes, de se l’approprier”. La permanence de l’arbre donne une identité au paysage urbain, et engendre chez les citadins un sentiment d’attache sensible et affective. Celle-ci peut expliquer la vive opposition que suscitent les projets de coupe d’arbres. “Personne ne se mobilise contre des changements fonctionnels, comme un changement de bouches d’égout ou de bordures de trottoirs. J’ai vu des habitants avoir les larmes aux yeux parce qu’on coupait un arbre qui était objectivement mourant. Alors que je lui faisais remarquer l’intérêt de cet abattage, une personne âgée m’a rétorqué : “Moi aussi, je suis vieux et malade”.  Le discours scientifique n’est pas le seul moyen de défendre la place de l’arbre en ville. D’autres moyens pédagogiques peuvent être privilégiés, notamment à travers des manifestations artistiques. La métropole de Lyon travaille régulièrement avec des artistes dans le cadre de la Fête des Lumières et de la Biennale d’art contemporain. L’objectif : révéler la valeur esthétique de l’arbre et le restituer comme partie intégrante du cadre de vie urbain.“Des habitants ont soudainement découvert l’existence d’arbres à proximité de leur lieu de vie. En éveillant l’imaginaire des citadins, nous arrivons à les sensibiliser aux enjeux de l’arbre en ville”, conclut Frédéric Ségur.■

Cyprien Machtalere

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