La 12e édition du concours “Capitale française de la biodiversité”, financé par la DGALN, mettait à l’honneur les arbres et les forêts. Le 20 novembre 2023, dans l’auditorium du Ministère de la Transition écologique à la Défense, les six territoires lauréats ont présenté, lors du colloque de restitution du concours, certaines de leurs actions les plus emblématiques en faveur des arbres en ville, des haies bocagères et des forêts publiques.
Pour Simon Trauet, chef de projet trame verte et bleue et Nature en ville au Ministère de la Transition écologique, “Capitales françaises de la biodiversité est une vitrine de l’innovation territoriale et une source d’inspiration”. Sophie Deschiens, présidente de l’Agence régionale de la Biodiversité en Île-de-France et conseillère régionale, y voit “des réussites locales qui s’inscrivent dans le prolongement des actions menées dans le cadre du programme Territoires engagés pour la nature”. Avec eux pour ouvrir le colloque “les territoires agissent pour les arbres, le bocage et la forêt”, Sébastien Florès, chef du service Mobilisation et accompagnement des entreprises et des territoires de l’Office français de la biodiversité, témoigne de la mobilisation transversale autour de ce concours. Il salue la présence dans la salle, aux côtés d’élus, de représentants du Cerema, de l’ADEME, d’associations… En tout, une centaine de personnes sont venues découvrir comment les 6 lauréats 2023 parviennent, autour de l’arbre et de la forêt, à intégrer la protection de la biodiversité dans les politiques d’aménagement de leur territoire.
“Capitale de la biodiversité s’attache à construire un récit positif, un futur désirable” – 3 Questions à : Gilles Lecuir, chargé d’études à l’Agence régionale de la biodiversité en Île-de-France, qui anime depuis 2010 le concours “Capitale française de la biodiversité. Lire l’encadré ici
Les forêts métropolitaines de Rouen
Bois Guillaume forêt monumentale©A. Aubry_métropole Rouen Normandie
L’attribution du titre “Capitale française de la biodiversité” 2023 à la Métropole Rouen Normandie vient couronner une politique qui s’inscrit dans la durée. Les plans d’actions, initiés dès 2015, font désormais l’objet d’une charte de la biodiversité 2022-2026 adossée à une charte forestière quinquennale. Celle-ci précise la stratégie de la Métropole pour ses forêts avec un objectif ambitieux : 100 % de gestion durable sur les forêts publiques. Pour y parvenir, la Métropole s’appuie sur une politique ambitieuse d’acquisition foncière. Depuis 2021, la surface de milieux forestiers lui appartenant a doublé, atteignant aujourd’hui 200 hectares.
Guillaume Fresnel, directeur adjoint à l’environnement de la Métropole, insiste aussi sur la place centrale de l’arbre en ville : “Nous travaillons à renforcer la durabilité des arbres existants : ce sont nos climatiseurs !”. Parmi ses nombreuses actions, la Ville présente une approche innovante de sensibilisation du public à la protection de l’environnement et à la valorisation des forêts domaniales : la Forêt monumentale. Pour sa première édition, en 2021, cette exposition grand format avait accueilli 400 000 visiteurs qui ont découvert 13 œuvres d’art contemporain disséminées dans une forêt labélisée Forêt d’exception. L’opération sera reconduite en 2024.
La forêt durable
Vals-des-Tilles_Sylviculture©J.-J. Boutteaux
“Nous sommes la candidature bucolique : 180 habitants au cœur du Parc national de forêts. Chez nous on fait de la biodiversité comme M. Jourdain fait de la prose”. Anne-Cécile Dury-Maroiller, maire de Vals-des-Tilles, en Haute-Marne, a le sens de la formule. Avec son syndicat intercommunal de gestion forestière, la commune a opté pour une forêt résiliente et favorable à la biodiversité grâce à la sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC). Une technique qui intègre toutes les fonctions économiques, sociales et environnementales de la forêt. “La forêt n’est pas un simple tiroir-caisse. Il faut regarder au-delà de la vente du bois et examiner tous ses usages” explique l’élue. Avec le Parc National créé en 2019, la commune a initié un atlas de la biodiversité communale et constitué, avec le syndicat forestier et de nombreux partenaires dont AgroParisTech, un centre de formation, la Forêt irrégulière école pour former et informer sur une sylviculture durable.
Forêts et changement climatique
La Motte-Servolex_Plantation haies Vives écuries du fort©A. Perrin
Un enjeu essentiel comme en témoigne, Luc Berthoud, maire de La Motte-Servolex, en Savoie. “Depuis 2015, nous remettons de la biodiversité en ville. Mais aujourd’hui nous sommes confrontés au dépérissement important de nos forêts péri-urbaines qui subissent élévation des températures, modification de la pluviométrie, attaques de ravageurs… Nous avons mis en place un suivi scientifique sur 24 hectares non exploités. Et nous avons commencé à y planter un arbre par habitant, soit 1 000 arbres par an pendant 13 ans”, résume l’élu. Appuyée par l’ONF, la ville mobilise les enfants des écoles pour cette opération d’envergure. “On remplace les épicéas malades avec de jeunes plants de feuillus variés, adaptés au climat local, et on les protège du gibier” décrit le maire, déterminé à sauver ses forêts, quitte à en changer la physionomie.
Arbre en ville
Villeneuve d’Ascq_arbre urbain conduit en tétard©J. Flandin
Pour Yohan Tison, conseiller municipal de Villeneuve d’Ascq, dans le Nord, et délégué à la gestion des espaces verts et des espaces forestiers et à la biodiversité, “l’arbre aide à freiner l’urbanisation”. Sa ville compte 50 m2 d’espaces verts par habitant. Elle met en œuvre le concept de ville nature et nourricière : jardins partagés, vergers ouverts à la maraude, rétablissement du bocage dans les terres agricoles, restauration d’habitats et de continuités écologiques pour la faune, avec des “écuroducs”, des cordes tendues au-dessus des routes pour permettre la traversée en sécurité des écureuils roux… En 1996, elle fait partie des premières, en France, à adopter un barème d’évaluation de la valeur patrimoniale des arbres d’ornement. “C’est un outil de dissuasion qui chiffre le montant à rembourser en cas de dégâts sur un arbre. Aujourd’hui nous voulons faire évoluer cet outil en Charte de l’arbre de la commune, et passer de la dissuasion à l’adhésion” décrit le conseiller municipal.
Arbitrer les usages
Strasbourg_RNN Neurof ©Pierre_Buchert
“Mon quotidien, c’est le grand écart !”, lance Suzanne Brolly, adjointe à la maire de Strasbourg en charge de la ville résiliente et vice-présidente en charge de l’habitat de l’eurométropole. Elle présente rapidement le plan Canopée de la ville (voir notre entretien) et insiste sur les injonctions parfois contradictoires : planter 1 000 arbres par an en ville et créer de nouvelles pistes cyclables ; préserver les arbres existants et déminéraliser l’espace public ; éviter l’abattage mais garantir la sécurité. Sa méthode ? prendre le temps, s’adapter, embarquer les habitants. “Chaque école participe à la déminéralisation de sa cour : élèves, parents, enseignants, personnels élaborent un projet avec un paysagiste. On fait du sur mesure, c’est plus long, mais c’est plus durable” souligne-t-elle. À ses côtés Adrien Schverer, conservateur d’une réserve naturelle nationale enclavée en milieu urbain s’est aussi appuyé sur les usagers pour y mettre en place un nouveau plan de circulation. “On leur a demandé de se prononcer, entre promeneurs, cavaliers et cyclistes, sur le partage des chemins. Nous sommes parvenus à supprimer 8,5 km de sentiers que nous avons débitumés et rendus à la nature. En tout, plus de 5 hectares de zones de quiétude ont ainsi été restitués à la faune”, indique le conservateur.
Restaurer le bocage
Plantations intra-parcellaires©COM du pays de Pouzauges
La communauté de communes du pays de Pouzauges, en Vendée, œuvre elle, à la restauration des haies et de leurs multiples services écosystémiques en favorisant l’émergence d’une filière bois-énergie pour 5 chaufferies communales. “Nous disposons de 2 500 kilomètres de haies bocagères qui représentent un bien d’intérêt général” souligne François Papin, conseiller environnement de l’intercommunalité, en présentant l’association Bocage d’avenir qui lève des fonds pour accompagner les agriculteurs dans la gestion de ces haies.
Présidente de Plante & Cité, Hélène Cruypenninck a clôturé la rencontre en annonçant les thèmes des prochaines éditions du concours Capitale française de la biodiversité : “Sobriété & Biodiversité” en 2024, “Culture(s) & Biodiversité” en 2025. ■
Guillaume Tixier
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Revue d'urbanisme Diagonal (6 décembre 2023). Arbres, haies et forêts : les protéger pour nous protéger. Revue Diagonal. Consulté le 18 janvier 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/nltm