Comment la métropole Rouen Normandie redonne une place aux arbres en ville

Capitale française de la biodiversité en 2023, la Métropole Rouen Normandie œuvre à valoriser et amener de la nature dans ses projets urbains. Illustrations dans le futur quartier Flaubert ou le parc naturel urbain du Champ des Bruyères.

Au pied de l’immense pont levant routier Gustave-Flaubert, une bergeronnette grise se pose pour picorer sur les quais de Seine, rive gauche, à Rouen. Commun, cet oiseau était pourtant, il y a dix ans encore, totalement absent de ce site au passé industriel, autrefois dédié au stockage de charbon, situé à moins de 2 kilomètres de la vieille ville. Le retour du passereau à proximité du futur écoquartier Flaubert n’a rien d’anodin : il résulte de la création depuis 2012 d’un bosquet d’environ 3 hectares sur cette ancienne friche industrielle, transformée en parc-promenade urbaine le long du fleuve.

Environ 150 000 petits arbres de plusieurs essences (résineux, feuillus…) y ont été plantés. “Cette butte boisée permet de ramener des arbres en ville, de la biodiversité, de créer du paysage, mais aussi de lutter contre les îlots de chaleur”, souligne Bertrand Masson, directeur de l’aménagement et des grands projets de la Métropole Rouen Normandie et de la Ville de Rouen. “Conjointement à la construction d’un nouveau quartier, c’est aussi une façon de contribuer de manière positive au climat”.

Cette butte boisée s’inscrit dans le projet de réaménagement des quais (15 millions d’euros, financé par l’État, le département, la région et l’Europe), qui a notamment valu à Rouen le “Grand Prix national du paysage” en 2018, décerné par le ministère de la Transition écologique (MTE).

Une butte arborée sur les quais de Seine

Cette distinction en a précédé une autre : en 2023, la Métropole Rouen Normandie a été élue “Capitale française de la biodiversité” (un concours également soutenu par le MTE et financé par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), pour son action en faveur des arbres et des forêts. Entre des acquisitions foncières, une charte forestière de territoire et un programme “haies”, Rouen mène depuis une dizaine d’années une politique forte en matière de préservation et d’acquisition de forêts. En ville aussi, plus question d’abattre des arbres sans réfléchir.

La Métropole s’est d’ailleurs fixée un objectif de 30 % minimum d’indice de canopée dans les espaces publics. Cela passe par de nouvelles plantations, mais aussi par la protection des arbres existants. Les nouveaux projets d’aménagement urbain intègrent ainsi, par exemple, des opérations de désimperméabilisation des sols (voir encadré ci-dessous).

À l’ombre du pont Flaubert, la plantation de la butte arborée a aussi servi de test. “C’est un projet qui s’inscrit dans une réflexion globale Nature en ville sur les plantations d’arbres avec des essences plus forestières qu’ornementales. Aujourd’hui, on ne planterait pas tout à fait de la même façon. On sait par exemple que certaines essences comme le hêtre, résisteront moins bien aux sécheresses”, précise Christelle Simon, responsable des forêts.

Rouen retrouve ses sols urbains – La ville de Rouen a lancé depuis 2020 un vaste plan de renaturation de son espace urbain. L’objectif est de doubler les surfaces végétalisées de son territoire en les faisant passer de 17 % actuellement à 30 %. Cela passe notamment par des opérations de désimperméabilisation des sols en retirant du bitume, en végétalisant l’espace public, en préservant les pieds des arbres, en plantant des essences résistantes, en créant des potagers urbains ou encore des espaces verts. L’ambition de la municipalité est de faire de la ville aux cent clochers, la ville aux cent jardins. 

Un territoire perméable résilient face aux crues de la Seine

L’aménagement arboré de ce quai est aussi une façon d’anticiper l’avenir, alors que les crues de la Seine devraient se multiplier dans les années à venir. “L’objectif est de faire de cet espace un territoire résilient, souligne Hugo Langlois, conseiller métropolitain délégué aux enjeux liés à la Seine, aux forêts et à la biodiversité. D’ici 50 ans, le niveau de la Seine devrait monter de 0,5 à 1 mètre, selon les études les plus récentes. Les crues vont se multiplier. Ce quai est aussi pensé comme une zone d’expansion des crues”.

En 10 ans, ce bosquet a déjà permis de remettre de la biodiversité dans une zone qui en était privée. En plus des bergeronnettes, des lapins, des rapaces et des insectes y ont de nouveau élu domicile. La dynamique est enclenchée. À proximité de la butte, toujours aux abords du pont Flaubert, deux hectares supplémentaires de boisement devraient être plantés d’ici 2030. De nouveaux arbres en ville qui ont été souhaités par la population, consultée sur le devenir de cette parcelle.

Un ancien hippodrome transformé en parc naturel urbain

Ce désir fort de nature en ville a également dicté le devenir du champ des Bruyères, au Sud de Rouen. Ce terrain de 28 hectares, à cheval entre les communes de Sotteville-lès-Rouen et Saint-Étienne-du-Rouvray était occupé par des terrains de football, après avoir été un hippodrome. Un lieu réhabilité depuis 2020. “Il y a eu un consensus politique pour ne pas urbaniser ce terrain. C’est un choix fort de renoncer à la pression immobilière pour favoriser la réalisation d’un espace de nature en ville”, présente Audrey Hirbec, responsable de projet à Rouen Métropole, qui a suivi la conception et la réalisation du parc.

Pour redéfinir l’aspect et les usages de ce parc, la population a été consultée entre 2013 et 2014. Le lieu a été conçu de façon à préserver et à étoffer la nature en ville, tout en répondant aux attentes du public : quatre aires de jeux y ont été aménagées, ainsi que de vastes pelouses pour pique-niquer aux beaux jours. Des jardins partagés, ainsi qu’une ferme urbaine et des serres occupent également cet espace.

Un parti pris paysager

Le retour de cette nature en ville puise son inspiration dans les caractéristiques du territoire. “Les plantations paysagères ont été pensées en strates : pelouses rases, prairies, arbres qui rappellent le paysage des terrasses alluviales de la Seine”, détaille Audrey Hirbec. Dans l’optique, toujours, de contribuer au rafraîchissement urbain et à désimperméabiliser les sols, tout en créant un espace paysager qui ramène la nature en cœur urbain.

Les quelque 5 000 arbres qui ont été plantés sont aussi principalement des essences locales : bouleaux, charmes, chênes, et 200 espèces d’arbres fruitiers pour la partie verger. Les arbres qui ont dû être abattus l’ont été après concertation. Le bois a été récupéré pour fabriquer la haie, ou encore une œuvre d’art en forme de nid géant.

Enfin, une partie du site a été sanctuarisée et fermée au public : une prairie d’un hectare sur un sol acidiclin, où poussent des trèfles souterrains, une espèce rare mais qui a toujours été présente sur le site. C’est aussi cela le retour de la nature en ville : sa préservation.■

Clémentine PERRIN

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